Les trois principaux belligérants (le gouvernement, le RCD et le MLC) se sont finalement entendus sur une constitution, la réorganisation des armées en place et les dispositions de sécurité pour la période de transition, questions qui étaient restées en suspens depuis la signature de l’Accord global et inclusif sur la transition en RDC, le 17 décembre 2002. Cet accord prévoyait surtout la répartition du pouvoir selon la règle du 1 + 4, c’est-à-dire un président et quatre vice-présidents à choisir au sein du gouvernement, des différentes factions armées et de l’opposition. Les dernières négociations, portant sur le partage des responsabilités au cœur de la nouvelle armée nationale, ont toutefois eu lieu sur fond d’hostilités à l’est et au nord-est du pays, où les alliances entre groupes rebelles se font et se défont.
Les origines du conflit
La RDC a connu une première guerre en 1996 qui a entraîné la chute du régime de Mobutu Sese Seko en mai 1997. Mobutu, craignant le contrecoup d’une instabilité au Rwanda, avait plus d’une fois apporté son soutien au président Juvénal Habyarimana, notamment afin de contrer le Front patriotique rwandais (FPR). Après l’assassinat d’Habyarimana et le génocide rwandais, alors que les milices hutues se réfugient le long de la frontière rwando-congolaise, le FPR est entré en RDC, permettant à Laurent-Désiré Kabila d’accéder au pouvoir.
Les conflits n’ont jamais réellement cessé depuis. Des groupes armés issus du Rwanda et de l’Ouganda se disputent l’est du pays. Kabila est assassiné en janvier 2001 et son fils Joseph lui succède. En octobre 2001, c’est la première tentative d’un Dialogue intercongolais, suivie d’une deuxième en février 2002, toutes deux soldées par un échec et la reprise des hostilités. Ce n’est qu’avec la signature de l’Accord global et inclusif de décembre dernier que l’on assiste à de réelles avancées du processus de paix.
Dialogue de sourds
La société civile congolaise demeure quand même sceptique quant aux intentions des principaux belligérants. Le secrétaire exécutif du Réseau d’éducation civique congolais (RECIC), Pascal Rukengwa, résume la situation ainsi : « Le processus de paix en RDC n’est pas en cours. Le processus qui est en cours est un partage de pouvoir entre seigneurs de guerre. » Il estime que ce gouvernement construit autour du 1 + 4 est voué à l’échec. « Ce mélange de seigneurs et de roitelets au sein du gouvernement est comme un cocktail molotov. Dès la mise en œuvre du gouvernement de transition, nous, Congolais, prierons tous les matins pour que ça ne saute pas. » Tant qu’il y aura plusieurs prétendants au pouvoir, chacun avec son armée et ses ambitions, aucun accord ne pourra tenir, estime M. Rukengwa.
Plusieurs voix s’élèvent pour affirmer que le véritable enjeu du processus de paix n’est pas la formation d’un État de droit, mais le contrôle du pays. Aucun des négociateurs n’a été mandaté par la population et ne semble se préoccuper de ses intérêts. Le pouvoir, c’est par les armes qu’ils l’ont pris. « La vie politique congolaise est privatisée. Un certain nombre de Congolais ont pris l’État en otage et en ont fait une affaire privée. » Chacun des leaders lutte en réalité pour assurer sa position, son bout de territoire, et les négociations ne sont qu’une poursuite des combats.
Pascal Rukengwa va plus loin en disant que les leaders ne sont que des marionnettes à la solde des pays avoisinants. Non loin derrière le RCD, il y a le Rwanda ; le MLC écoute toujours l’Ouganda et, il n’y a pas si longtemps, l’Angola et le Zimbabwe avaient un impact sur la position du gouvernement de Joseph Kabila. Des entités extérieures souhaitent contrôler les ressources congolaises et n’hésitent pas à entretenir la guerre pour y parvenir, comme l’explique le directeur général du Centre national d’appui au développement et à la participation populaire, Baudoin Hamuli. « Des groupes mafieux et toutes sortes de sociétés ont pris pied à l’est du pays et ont organisé des circuits qui exploitent le diamant, l’or, le coltan, etc. Ce sont ces réseaux qui entretiennent la guerre en donnant des montants très importants à la rébellion pour qu’elle maintienne ce semblant de pouvoir en place. Tant qu’on n’aura pas démantelé cette économie de guerre, on ne pourra obliger les acteurs politiques à faire des concessions. »
Jusqu’à aujourd’hui, toutes les avancées du DIC ont eu lieu à la suite de pressions faites par la communauté internationale. Mais Pascal Ru-kengwa lance avant tout un appel à la population congolaise : « Le bonheur du peuple congolais viendra du peuple congolais. Il faut qu’il s’assume économiquement et socialement, qu’il affirme sa culture. Il faut se mobiliser. »