Au terme de quatre années d’enquête, les auteurs de Rwanda, une guerre noire pointent les responsabilités des grandes puissances occidentales, et plus particulièrement celles de la France, dans les événements ayant conduit au génocide de 1994. Gabriel Pérès et David Serventois s’intéressent tout particulièrement aux liens entre le génocide et les concepts de la guerre révolutionnaire développés en France, au cours des décennies précédentes.
La guerre révolutionnaire, les auteurs la définissent comme une doctrine d’emploi et d’organisation préventive des forces armées pour établir un implacable contrôle « militaro-politique » des populations. Pour eux, le génocide rwandais n’a constitué qu’une sorte d’aboutissement de ces théories dans lesquelles toutes les forces de la société doivent être mobilisées pour mater la subversion. Faut-il s’en étonner ? Ce modèle, élaboré à partir des années 50, avait servi à former la plupart des élites militaires des pays de l’Afrique francophone au lendemain des indépendances.
« Cinquante années ont été nécessaires pour arriver au grand œuvre rwandais de 1994, écrivent les auteurs. Le temps de digérer la notion de guerre révolutionnaire, forgée durant les guerres de décolonisation françaises. » De fait, les rappels historiques et la mise en contexte effectués par les auteurs Pérès et Servenay permettent de comprendre les impacts des théories de guerre révolutionnaire sur l’ensemble du continent africain. Pas seulement au Rwanda, même si c’est là que la pire catastrophe surviendra.
L’ouvrage de Gabriel Périès et David Servenay apparaît très dense, très fouillé, au point d’être aride par moments. Mais cela ne diminue en rien la qualité d’un livre qui s’impose comme une référence. Rwanda : une guerre noire nous ramène aux sources du génocide rwandais. Il apporte un éclairage intéressant sur l’application catastrophique des théories élaborées par les dirigeants militaires français sur plusieurs décennies.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le contexte rwandais, ce livre est important. Il ne se contente pas de revenir sur les faits qui ont conduit à un moment particulièrement sombre de l’histoire de l’humanité. Il replace les atrocités dans un contexte global où les victimes du génocide ne sont pas uniquement les opprimés d’un conflit national mais aussi les victimes d’une doctrine de guerre, soigneusement pensée et planifiée.