Pour l’auteur de La peste, la violence ne devrait pas s’exercer sans limites, aussi ténues soient-elles. Le personnage de Kaliayev, dans la pièce de théâtre Les justes, est l’archétype de ceux que Camus appelle les « meurtriers délicats ». Ce révolutionnaire russe, qui a vraiment existé, refusera de lancer une bombe sur la calèche du grand-duc parce que ses deux neveux sont également à bord. Pour Kaliayev, la limite au terrorisme est atteinte : il n’assassinera pas d’innocents.
Témoin des événements violents qui secouent l’Algérie qui l’a vu naître, Albert Camus ne cessera tout au long de sa vie de plaider pour le dialogue et la compréhension mutuelle entre les communautés française et algérienne.
Renvoyant dos à dos terroristes et forces de l’ordre, Camus appelle ses compatriotes à réfléchir à la fois sur les causes et les conséquences de la dialectique terrorisme-répression.
Camus n’est pas sans savoir que le terrorisme pousse sur le terreau fertile du désespoir. Réfléchir aux causes du terrorisme peut éviter de commettre de graves erreurs. L’une d’entre elles est, selon Camus, de tenir responsables collectivement des peuples entiers pour les agissements de quelques-uns. Cette répression, aussi aveugle qu’imbécile, écrit Camus, ne peut mener qu’à une surenchère entre les crimes. De quoi faire réfléchir les plus chauds partisans de la guerre au terrorisme...
Les textes de ce recueil proviennent d’ouvrages et d’éditoriaux écrits entre 1943 et 1958. Il comprend de larges extraits d’œuvres majeures de Camus dont Les Justes, L’Homme révolté et Lettres à un ami allemand. Commentés et mis en contexte, ces textes nous permettent d’apprécier l’unité de la pensée de l’écrivain français ainsi que la fidélité dont il a su faire preuve à l’égard de ses engagements. En somme, Réflexions sur le terrorisme constitue une véritable leçon de lucidité et d’humanisme à l’heure où le son des tambours guerriers se fait de plus en plus fort.