En tout, le Sommet proposera une trentaine d’ateliers sur des thèmes liés à l’économie, l’environnement, l’aménagement, la justice sociale, la diversité et la démocratie sont prévus. Comme l’explique Luc Rabouin, coordonnateur du Centre d’écologie urbaine et membre du comité organisateur du quatrième sommet : « Il s’agit d’une opportunité unique de participer aux débats sur le droit à la ville. Ce droit met l’accent sur la légitimité des citoyens et des citoyennes, peu importe leur provenance, leur statut, leur classe sociale, la couleur de leur peau et leur religion, à prendre part aux débats et aux prises de décision concernant les stratégies de développement économique, les projets urbains et le type d’aménagement que ceux et celles qui habitent Montréal veulent pour leur ville et ses quartiers. »
Depuis quelques années, l’élite montréalaise et québécoise mise sur un urbanisme transnational qui met en valeur les grands projets. Elle valorise l’extension du centre-ville pour rendre Montréal plus compétitive et plus attrayante pour les investisseurs. Les grands projets d’aménagement publics et privés comme le déménagement du Casino, la construction de pavillons universitaires, de centres hospitaliers universitaires, les mégaprojets immobiliers et commerciaux comme ceux de Nordelec dans le Sud-Ouest ou encore le Quartier des spectacles au centre-ville sont considérés comme bénéfiques
Le plan Montréal 2025, adopté par la Ville, repose sur une forme de développement économique qui mise sur un certain nombre de projets qui rallie une partie des principaux acteurs économiques. Évoquant les problèmes de sous-financement de la ville, en avril dernier, le maire Gérald Tremblay annonçait du même coup l’appui des principaux décideurs qui sont derrière lui pour la relance de Montréal. Mais comme le fait valoir Karine Triollet, coordonnatrice de la table de quartier Action-Gardien : « Il n’y a pas que l’élite qui a le droit de se prononcer sur cette stratégie. Ces projets ont des impacts sur nos quartiers et sur nos milieux de vie. Il est légitime que les citoyens et les citoyennes puissent décider eux aussi des projets qui sont implantés dans leurs quartiers. »
Rappelons qu’à la suite du retrait du projet de réaménagement du Casino, les groupes communautaires ayant mobilisé la population contre ce projet ont été accusés d’être des « empêcheurs de tourner en rond », qui s’opposent au développement. D’où le fameux débat sur ce que certains ont appelé « l’immobilisme ».
Pour les organisateurs du sommet, la stratégie des élites montréalaises et québécoises qui misent sur les grands projets soulève un certain nombre de questions. Quels sont les impacts de ces projets sur la population de la ville ? Contribuent-ils vraiment au développement économique et social des quartiers dans une approche intégrée ainsi qu’à l’inclusion sociale dans la métropole ? Au contraire, participent-ils d’une tendance à la ségrégation ? Ces projets, souvent portés par de grands promoteurs extérieurs au quartier, peuvent-ils être planifiés et développés pour répondre davantage aux besoins et aux intérêts des citoyens ? Est-il possible de concevoir autrement l’aménagement des quartiers et de la métropole ? Ou d’y revoir le rôle des citoyens, des élus, des fonctionnaires et des promoteurs ? Comment établir de nouveaux rapports entre ces groupes à partir des enjeux d’aménagement et de développement ?
Toutes ces questions aboutissent à poser la question de la démocratie participative, entendue ici comme un processus de cogestion des affaires urbaines, qui associent les éluEs, les citoyenNEs et le gouvernement local. De l’avis de Luc Rabouin, « C’est à partir d’enjeux très concrets, comme l’aménagement du territoire et le développement urbain, qu’on peut construire la démocratie participative. »
Pour Bernard Vallée, coprésident d’honneur du quatrième Sommet citoyen, cet événement s’inscrit dans une histoire de luttes urbaines et de mobilisations collectives pour protéger et développer Montréal et ses quartiers. L’histoire de la ville est marquée par ces luttes qui ont permis de préserver nos quartiers, mais aussi d’expérimenter de nouvelles pratiques. Rappelons les mobilisations autour de la rue St-Norbert, du quartier Milton-Parc ou encore d’Overdale. Plus récemment, on pense au Technopôle Angus dans le quartier Rosemont. « l ne faut pas l’oublier, dit-il, le plus grand projet de logement mis en place à Montréal est sans doute celui des coopératives d’habitation initiés par des organismes communautaires et des groupes de ressources techniques, mieux connus sous le nom des GRT. » Karine Triollet, du comité organisateur du Sommet, ajoute que cet événement vise également à mieux faire connaître des pratiques et des expériences innovatrices en matière d’aménagement et de développement. Pensons aux Opérations populaires d’aménagement menées dans Pointe Saint-Charles et Centre-Sud, aux déclarations citoyennes portées par des centres de femmes de Montréal, aux cafés citoyen de Rosemont qui ont abouti au Forum citoyen de Rosemont ou, plus récemment, au Forum social de Villeray. « Ces expériences, moins connues du grand public, ont en commun de contribuer au renforcement de l’appropriation de la ville et de ses quartiers par les Montréalais et les Montréalaises ».
Le quatrième Sommet citoyen est donc un appel à prendre les clés de la ville, résume Luc Rabouin, du Centre d’écologie urbaine. Il rappelle qu’il s’inscrit dans la lignée du Forum social mondial et en préparation au Forum social québécois. De plus, il s’inscrit à la suite de trois autres sommets citoyens de Montréal (tenus en juin 2001, mars 2002 et septembre 2004). Ces derniers ont mené à l’adoption de la Charte montréalaise des droits et responsabilités par la Ville de Montréal, de même qu’à celle d’un agenda citoyen, outil d’éducation populaire qui fait la promotion de la démocratie participative et du droit à la vill. Il ont aussi conduit à l’expérimentation d’un budget participatif autour du programme triennal d’immobilisation dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal. Bref, les sommets citoyens ont réussi à imposer la démocratie participative dans le débat public !