Le 26 octobre prochain à Ottawa, j’aurai le privilège de prendre parole lors de l’événement PowerShift. On pourrait se demander : pourquoi un ex-porte-parole du mouvement étudiant québécois interviendrait-il dans un événement dédié à la question des changements climatiques ? Une question qui en amène une autre : en quoi les luttes pour l’accessibilité à l’éducation et la justice sociale sont-elles liées aux questions environnementales ?
Depuis les dernières années, au Québec, au Canada et ailleurs, les attaques envers les peuples du monde entier se multiplient. Partout ou presque, la crise de 2008 a fournit un prétexte en or à l’élite politique et financière et celle-ci a lancée une charge d’une violence inouïe contre les mécanismes de solidarité sociale et de redistribution de la richesse. Coupures dans les programmes sociaux, privatisation et tarification des services publics, mesures anti-syndicales : les attaques sont nombreuses, féroces et, plus souvent qu’autrement, accompagnée d’une augmentation inquiétante de la répression politique. Et partout, la réponse est la même : les mobilisations étudiantes et syndicales se multiplient, afin de tenter de bloquer ces projets destructeurs pour le bien-être de la majorité de la population. Malgré des mobilisations historiques, peu d’entre elles sont victorieuses et le bulldozer néolibéral est toujours marche, et semble même s’accélérer.
Parallèlement, pendant que la situation environnementale planétaire se détériore, l’inaction renouvelée des grandes puissances politiques et économiques laisse présager le pire. Alors que les effets des changements climatiques se font de plus en plus sentir et que le point de non-retour s’approche dangereusement, rien ne semble être en mesure de convaincre les élites d’effectuer le virage à 180 degrés qui s’impose.
Malgré ce portrait doublement inquiétant, au Canada comme ailleurs, les organisations sociales et le mouvement environnemental travaillent plus souvent qu’autrement en vase clos. Si la plupart des organisations étudiantes, syndicales et communautaires ont des positions environnementales fortes, une bonne partie du mouvement environnemental reste refermé sur lui-même, réticent à appuyer les luttes syndicales, étudiantes et populaires. Cet isolement doit cesser.
Le temps presse. Si les changements climatiques peuvent sembler être l’enjeu le plus urgent, le démantèlement systématique des mécanismes de solidarité sociale et des institutions publiques doit également nous préoccuper : il ne s’agit pas seulement d’assurer un niveau de vie décent à tout les travailleurs et travailleuses, mais aussi de s’assurer que les peuples du monde ne soient pas dépossédés des institutions qui sont censées servir le débat public et la démocratie.
La tendance mondiale à la privatisation de l’éducation postsecondaire doit être comprise dans ce contexte. La marchandisation des universités n’est pas qu’un enjeu d’accessibilité aux études : il s’agit aussi, et surtout, de préserver la liberté académique et l’autonomie de nos systèmes d’éducation. Or, la démocratie elle-même est fondée sur l’existence de lieux de discussion libre, sur l’existence d’institution permettant à la société de se questionner elle-même sur ses orientations. En intégrant les universités dans le capitalisme globalisé, c’est aussi à cela qu’on s’attaque : à la démocratie elle-même. À la possibilité de penser collectivement le monde dans des conditions saines et libres. Devant l’ultimatum pressant que nous pose la crise écologique, nous ne pouvons nous permettre d’être collectivement dépossédé de ces institutions vitales à la démocratie moderne.
Le temps presse. Il est plus que temps que le mouvement environnemental sorte de son isolement. La situation actuelle nécessite bien davantage que des changements cosmétiques ou des campagnes de sensibilisation. La crise écologique ne se règlera pas à l’intérieur d’un système économique qui ne reconnaît pas les limites de notre monde. Ainsi, le mouvement environnemental et les différents mouvements sociaux doivent impérativement sortir de leur éparpillement pour établir une stratégie commune, permettant de répondre systématiquement aux attaques des élites politiques et économiques envers le bien commun. L’établissement d’une telle convergence n’est pas seulement souhaitable, elle est surtout absolument nécessaire afin d’effectuer les changements radicaux qui sont nécessaires afin d’éviter que les catastrophes sociales et environnementales déjà annoncées par les scientifiques ne se réalisent pas.