Le 27 janvier, la Cour d’appel du Québec reconnaissait unanimement que le gouvernement fédéral, en incluant le congé parental dans le régime d’assurance-emploi, avait empiété sur les champs de compétences des provinces. Une telle poursuite avait été déposée par le gouvernement québécois après l’échec de ses négociations avec le fédéral, alors qu’il réclamait une part des fonds de l’assurance-emploi pour introduire un programme de congé parental plus généreux. Contrairement au programme fédéral, les prestations auraient été étendues aux travailleurs autonomes et à temps partiel.
Au Québec, les syndicats et les groupes de femmes, qui revendiquent depuis plus de dix ans un congé parental élargi, se réjouissent évidemment de la décision de la Cour d’appel. Mais au Canada anglais, c’est une autre histoire. Un nouveau réseau, Network on Women’s Social Economic Rights, s’est mobilisée pour demander au gouvernement fédéral de porter ce jugement en appel. Dans une lettre adressée au premier ministre Martin, les membres du réseau affirment : « Si le gouvernement fédéral refuse d’aller en appel, les gouvernements provinciaux comme les citoyens canadiens y verront un signe évident de son désengagement dans les programmes sociaux. Nous encourageons toutefois le régime d’assurance parentale du Québec et le droit de cette province à mettre en place son propre système de congé parental. »
Comme par le passé - notamment lors de la divergence sur l’Accord du Lac Meech -, les groupes de femmes du Québec approuvent le respect de la juridiction provinciale sur les programmes sociaux. Il ne s’agit pas seulement d’appuyer l’autonomie du Québec, mais surtout de reconnaître que cette province, au fil des ans, s’est doté de programmes sociaux beaucoup plus généreux que ceux offerts par le fédéral.
Au Canada anglais, les groupes de femmes craignent que le transfert des responsabilités du fédéral au provincial en matière de programmes sociaux n’entraîne un nivellement par le bas dans les autres provinces, et donc des conséquences encore plus néfastes pour les femmes. Par exemple, lorsque le gouvernement fédéral a abandonné le Programme d’assistance canadien, le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale a chuté à travers tout le pays et des milliers de femmes ont perdu la protection offerte par la loi fédérale.
Le mouvement des femmes a donc été divisé pendant des années, jusqu’à ce que le Comité canadien d’action sur le statut de la femme développe la vision d’un Canada composé de trois nations, soutenant ainsi l’autonomie du Québec et des Premières Nations. Le réseau partage cette vision en appuyant la reprise des négociations avec le Québec, tout en demandant la remise en question de la décision de la Cour d’appel.
Même si ces différences peuvent engendrer des difficultés, elles peuvent aussi créer une opportunité pour une nouvelle coopération. Le régime d’assurance parentale québécois fournit ainsi un excellent modèle afin que soient améliorées les prestations d’assurance-emploi versées aux parents. En pressant le gouvernement canadien de reprendre les négociations qui rendraient possible la mise sur pied du programme québécois, les groupes de femmes et les syndicats du Canada anglais démontrent bien une solidarité avec le Québec. D’un autre côté, rien n’empêche les groupes québécois de revendiquer l’amélioration des prestations de l’assurance-emploi tout en souhaitant que le Québec se retire du programme fédéral.
Je viens juste de terminer la lecture d’un livre sur le mouvement des femmes au Canada. Une des leçons qui en ressort clairement est l’importance du dialogue. C’est la clé afin d’assurer que les différences naturelles qui proviennent de nos positions respectives à l’égard du système fédéral canadien ne mènent pas à des divisions antagonistes.