Le mouvement pour l’accès libre à la connaissance scientifique prend naissance au tournant du millénaire, en particulier avec l’Initiative de Budapest pour l’Accès Ouvert (BOAI - Budapest Open Access Initiative) en 2001 et la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès à la Connaissance en 2003. Ce dernier document définit le libre accès comme « une source universelle de la connaissance humaine et du patrimoine culturel ayant recueilli l’approbation de la communauté scientifique ». Il préconise également d’aborder Internet comme un moyen émergent de distribution du savoir, où le contenu autant que les logiciels doit être librement accessible et compatible.
Deux stratégies distinctes sont généralement mises de l’avant pour promouvoir la publication scientifique en accès libre. La première consiste à transformer les revues scientifiques existantes, ou en créer des nouvelles, qui seraient en accès libre. Celle-ci est largement considérée comme étant la voie royale de l’accès libre. La deuxième stratégie consiste à encourager les auteurs à autoarchiver eux-mêmes une copie de leurs articles dans des dépôts institutionnels ou personnels. Il s’agit ici de la voie dite verte, qui suscite l’intérêt de plus en plus d’universités et centres de recherche. C’est le cas de l’UQAM qui en 2007 a mis en place des archives de publications électroniques (www.archipel.uqam.ca) pour recueillir les travaux des chercheurs.
Malgré le nombre grandissant de revues scientifiques et de dépôts institutionnels en accès libre, les revues considérées comme étant les plus prestigieuses demeurent réfractaires à ces initiatives. Pour Jean-Claude Guédon, professeur à l’Université de Montréal et un des acteurs majeurs du mouvement pour l’accès libre, la situation s’explique par le fait que ces revues sont de plus en plus contrôlées par des maisons d’édition commerciale qui vendent à fort prix des abonnements aux bibliothèques bien financées. Comme l’indique cet auteur dans l’article « Repenser le sens de la communication scientifique : l’accès libre » paru dans Medecine Sciences, ceci n’est pas sans causer de profondes inégalités : « Dirigées très majoritairement par des scientifiques des pays riches, poursuivant les orientations de recherche des savants de ces pays, ces revues disposent d’un potentiel collectif de contrôle qui se rapproche dangereusement de la capacité d’influencer l’orientation des recherches scientifiques. » C’est donc pour faire face aux résistances des grandes maisons d’édition que la question de l’accès libre, auparavant une initiative volontariste, devient aujourd’hui résolument plus politique. Par exemple, aux États-Unis, une loi adoptée en 2007 stipule que tous les chercheurs financés par le National Institute of Health (organisme subventionnaire pour la santé aux États-Unis) doivent soumettre à la Bibliothèque nationale de médecine une version électronique de chacune de leurs publications. Au Canada, les instituts de recherche en santé ont également adopté un règlement similaire qui oblige les chercheurs financés à rendre librement accessibles leurs travaux dans les six mois suivant la publication.
Dans cette bataille politique, la société civile joue un rôle de premier plan. Jean-Claude Guédon remarque par exemple qu’aux États-Unis c’est une puissante alliance entre les bibliothécaires, les chercheurs et les organismes de soutien aux victimes de maladies graves qui ont réussi à faire adopter ces lois favorisant ou obligeant l’accès libre, et ce, dans une période particulièrement défavorable idéologiquement. Selon l’auteur, c’est le désir des patients et de leurs médecins de devenir des partenaires dans le processus de recherche, et non pas de simples consommateurs, qui constitue le fondement de cette bataille. La perspective d’un plus grand nombre d’acteurs engagés dans les choix techniques et scientifiques permet donc d’apprécier davantage l’importance et le potentiel de l’accès libre.