
Voilà comment commence la préface de Nawal El Saadawi. Femme intellectuelle, psychiatre de formation, née en 1931 près du Caire. Elle sera tour à tour médecin, romancière, journaliste, professeur. De 1979 à 198, elle sera conseillère aux Nations unies pour les programmes d’aide aux femmes en Afrique et au Moyen-Orient. Comme plusieurs autres intellectuels, militants politiques opposants au régime de Sadate, de l’extrême droite à l’extrême gauche, politiques ou religieux, hommes et femmes, Nawal El Saadawi est arrêtée le 6 septembre 1981. Emmenée à la prison des femmes de Kanater, elle y passera trois mois dans une salle commune à toutes les détenues politiques.
Mémoires de la prison des femmes raconte ces trois mois où une vie particulière s’organise, des habitudes se prennent, des consensus s’établissent entre les militantes islamistes et les militantes de gauche. La lutte s’organise, les femmes revendiquent leurs droits en tant que détenues, réclament des aménagements qui finissent par être acceptés. Au fil des pages, on en apprendra aussi sur les autres salles des autres prisonnières : criminelles, voleuses et prostituées. À chacune son titre, à chacune sa salle, pas de mélange. On connaîtra aussi la gardienne de la prison à la personnalité trouble.
Aucune des détenues ne sait réellement au départ la raison de son arrestation. Un mois plus tard, le 6 octobre 1981, Sadate est assassiné. Chaque détenue espère l’annulation de son ordre de détention. Elles espèrent être libérées et attendent jour après jour l’annonce de cette nouvelle, mais en vain, semble-t-il. Le 25 novembre, Nawal El Saadawi est finalement libérée. « Un moment irréel », écrira-t-elle.
Mémoires de la prison des femmes a d’abord été écrit en prison sur du papier hygiénique, seul papier disponible, autorisé. Le récit a été publié en arabe en Égypte dès 1984. Il nous aura fallu attendre 2002 avant que la traduction française ne paraisse. Alors que Nawal El Saadawi terminait l’introduction destinée à la traduction française, fraîchement installée dans une petite ville du New Jersey pour quelques mois, afin d’enseigner la « créativité » dans une université américaine non loin, les deux tours du World Trade Center s’effondrent après que les avions détournés par des membres d’Al Qaïda les percutent de plein fouet. « Comme il est à la fois tragique et comique ce monde dans lequel on vit ! », écrit-elle.
Nawal El Saadawi n’a jamais baissé les bras, a toujours continué à se battre pour la justice et la liberté. Après Sadate, elle doit affronter les foudres des islamistes depuis 1988.