En 1999, cinq ans après le soulèvement du mouvement zapatiste au Chiapas, un État majoritairement autochtone du sud-est du Mexique, l’auteur catalan Manuel Vázquez Montalbán rencontre dans la jungle Lacandone le leader charismatique de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), le sous-commandant Marcos. Au creux de la forêt tropicale mexicaine, à l’abri des regards méfiants des militaires qui occupent la région depuis 1994, année de l’apparition de l’EZLN, Montalbán s’entretient à deux reprises avec le leader zapatiste.
À travers ces entrevues, Marcos nous révèle la face cachée de ce Mexique profond. Il cite des auteurs mexicains comme Paz et Bonafial pour expliquer la résistance des peuples autochtones du Mexique. « Nous provenons de cinq cents années de lutte et de résistance », affirme-t-il. Marcos brise le silence pour la première fois, en juillet 1994, avec la Première déclaration de la jungle Lacandone. Il y aura quatre autres déclarations qui suivront, que Montalbán analyse de façon claire et précise.
Montalbán questionne le sous-commandant sur la réalité du Mexique, son développement économique et social et son évolution politique. Marcos, avec un langage poétique rempli de métaphores, de légendes et de symboles, fait tomber le masque de la modernité du Mexique. Il nous dresse un portrait d’un Mexique corrompu par un parti-État, qui gère depuis 70 ans les ressources du pays dans son propre intérêt en manipulant la population entière à travers un système de clientélisme ultradéveloppé et en réprimant la résistance à l’aide d’un appareil militaire imposant. Selon Marcos, « la plus grande mascarade est celle où parade la souveraineté de l’État mexicain, un État qui a vendu des milliers d’entreprises nationales pour pouvoir assurer la bonne tenue des comptes de la modernité ».
Dans un tel contexte, quelle est la stratégie zapatiste ? L’auteur défie le sous-commandant d’évaluer les possibilités d’une révolution zapatiste à l’aube de ce nouveau siècle. La gauche étant déstabilisée et désarticulée depuis la chute de l’Union soviétique, Marcos n’a pas la réponse parfaite à cette question. Il est cependant convaincu qu’il est temps d’inclure la société civile dans le mouvement révolutionnaire.
En près de 400 pages, Montalbán nous dessine un portrait fascinant du mouvement zapatiste où il nous amène de l’autre côté du miroir, celui où les masques n’existent plus.