Roman

Les hirondelles de Kaboul

De l’auteur algérien Yasmina Khadra

samedi 1er mars 2003, par Catherine Pappas

Les hirondelles de Kaboul porte un regard féroce sur cette dérive impitoyable des êtres vers la folie et la barbarie. À travers une écriture lyrique, mais sans excès, Yasmina Khadra décrit un monde « en état de décomposition avancée ». Kaboul suffocante, livrée aux corbeaux, où « les prières s’émiettent dans la furie des mitrailles » et où le rire est devenu péché. Avec ce roman, son dixième, l’auteur quitte son Algérie natale pour imaginer une histoire d’amour impossible au pays des taliban.

Yasmina Khadra est sensible aux parfums des femmes. Pourtant, derrière ce pseudonyme féminin se cache Mohammed Moulessehoules, ancien militaire algérien qui, à sa retraite, s’est consacré à l’écriture afin de dénoncer les atrocités commises dans son propre pays au nom d’Allah. le Canada lui a refusé l’octroi d’un visa cet automne, alors qu’il devait participer au Salon du livre de Montréal, à l’invitation du Consulat français.

Au fil des pages, au milieu de l’enfer, surgissent des personnages complexes, en quête de liberté : il y a d’un côté Atiq Shawquat, un ancien combattant devenu geôlier, et son épouse Mussarat, droite et courageuse mais atteinte d’une maladie incurable. Puis, il y a Mohsen et la belle Zunaira. Couple bourgeois, éduqué et libéral, qui s’accroche à l’amour comme pour échapper à la folie et donner un sens à leur existence.

Mais peut-on réellement se protéger contre cette folie qui nous guette ? Un jour, sur la place de Kaboul, une prostituée est lapidée. Parmi une foule qui réclame du sang, Mohsen, malgré lui, revendique son droit d’être « aux premières loges » afin de « regarder de près périr la bête immonde ». Yasmina Khadra signe une fable noire, ténébreuse, à la fois effroyable et sublime, où « personne ne croit au miracle des pluies, aux féeries du printemps, encore moins aux aurores d’un lendemain clément ». Où « les hommes sont devenus fous » et « ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit ». Servie par une construction narrative fort habile où s’entrelacent et se heurtent les destins des protagonistes, l’intrigue nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. On souhaiterait une lueur d’espoir, un souffle nouveau, un réconfort. Mais rien. Les hirondelles de Kaboul se sont dispersées dans le « ballet des missiles » et la chaleur pousse même les corbeaux au suicide.


LES HIRONDELLES DE KABOUL, de Yasmina Khadra, Éditions Julliard, 2002, 187 pages.

À propos de Catherine Pappas

Moyen-Orient

Catherine Pappas travaille avec Alternatives depuis 1997. D’abord responsable des stages internationaux, elle coordonne ensuite plusieurs projets de solidarité et de droits humains au Pakistan, en Afghanistan, au Soudan et en Palestine.
Diplômée en communication de l’Université du Québec À Montréal, Catherine Pappas a également travaillé comme cinéaste, recherchiste et photographe sur des documentaires photographiques et cinématographiques avec l’Office national du film (ONF) du Canada, Radio-Canada ainsi que plusieurs boîtes de production indépendantes. Ses réalisations en cinéma et en photo ont mérité la reconnaissance du milieu (concours Lux, Prix Jutra).

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