Le cas d’Ivonne Hernandez, une survivante de violence conjugale sans statut, a récemment mis en lumière la précarité extrême dans laquelle se retrouvent souvent les femmes immigrant au Canada. Ivonne a vu son statut dénoncé aux autorités par son ex-conjoint lorsqu’elle a quitté son domicile et s’est réfugiée dans un centre d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.
Pour Ivonne, la décision de quitter son conjoint violent l’a menée à être arrêtée par les services frontaliers et menacée de déportation. Un juge a aussi tranché en faveur du père canadien de son fils et lui a donné la garde de leur enfant, citant le statut d’immigration précaire d’Ivonne (la décision a depuis été renversée).
Le Centre communautaire des femmes sud-asiatiques (CCFSA) travaille avec des femmes migrantes survivantes de violence conjugale. Un texte publié par le CCFSA en mai 2013 décrit la situation dans laquelle plusieurs femmes, dont Ivonne, se retrouvent coincées :
Nous avons toujours été préoccupées par la violence faite aux femmes et nous savons que le statut de réfugiée ou d’épouse parrainée a d’énormes effets sur les femmes, surtout celles qui vivent dans la précarité. Afin de conserver sa résidence permanente, une épouse parrainée (bien des femmes d’origine sud-asiatique arrivent à Montréal par parrainage) doit vivre au Canada avec son parrain durant deux ans. Le parrainage rend ainsi les femmes complètement dépendantes de leur mari et les place dans une relation de pouvoir inégale. Si une femme parrainée décide de se protéger en quittant le foyer ou si le mariage est dissout, elle court le risque de ne pas avoir le droit de rester au Canada. La peur d’être renvoyée dans son pays d’origine, une éventualité qu’elle peut chercher à éviter pour toutes sortes de raisons, influence ses décisions.
« Les femmes migrantes survivantes de violence conjugale sont plus isolées que les autres parce qu’elles ne parlent pas nécessairement la langue et n’ont pas toujours de réseau social dans le nouveau pays, » résume Audry, intervenante à L’escale pour elles, une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Selon elle, la solution ne repose pas uniquement dans la législation. Même quand la loi est de leur côté, explique t-elle, « les femmes ont peur de faire plein de choses. » Pour elle, l’isolement dans lequel vivent ces femmes et la précarité de leur situation peut les mener à rester avec un conjoint violent. De plus, croit l’intervenante, le système d’immigration trop complexe ajoute aux difficultés que rencontrent les femmes migrantes en situation précaire.
Le 8 mars dernier, un contingent « Justice pour Ivonne » a fait partie de la manifestation du jour des femmes organisé par le groupe Femmes de diverses origines. La manifestation, qui dénonçait le fait que, « au Canada et partout dans le monde, la plupart des femmes se retrouvent au bas de la pyramide des inégalités, » appuyait la lutte pour la « régularisation des migrantEs sans statut. »