Le retour imprévu du Partenariat transpacifique

mercredi 21 mars 2018, par Claude Vaillancourt

On le croyait bel et bien mort. Au lendemain de son élection, Donald Trump a annoncé qu’il retirait les États-Unis de l’Accord de partenariat transpacifique (PTP), négocié entre 12 pays de la zone du Pacifique, dont le Canada. Sans le principal instigateur de cet accord, cette entente avait ainsi peu de chance de survivre. Mais c’était sans compter sur le zèle libre-échangiste des autres partenaires.

Pourtant, le PTP avait soulevé de vives oppositions dans le mouvement social au Canada et ailleurs. On lui reprochait d’être un accord conçu pour favoriser l’expansion des multinationales les plus importantes. Il aurait entrainé une importante dérèglementation, notamment en ce qui concerne les institutions financières, aurait prolongé les brevets pharmaceutiques (ce qui créerait une importante hausse des coûts), affaibli la gestion de l’offre, et aurait favorisé le nivellement des salaires vers le bas.

De plus, on y retrouvait un de ces mécanismes de règlement des différends qui permettent aux entreprises de poursuivre les États par le biais d’un tribunal privé, un processus très nocif pour la démocratie et maintes fois dénoncé par de nombreux opposants.

Comme s’il sortait d’un boite à surprise, on a annoncé sans préambule la signature d’un nouvel accord le 8 mars dernier. Les tractations se sont faites dans le plus grand secret, sans consultations véritables. De veilles habitudes dans le monde du libre-échange. L’accord a été affublé d’un nouveau nom : l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Le terme « progressiste », apparu sous l’instigation du gouvernement Trudeau, qui a fait de ce mot une marotte vide de sens, en fait sursauter plusieurs. Rien n’est plus paradoxal que ce terme associé au libre-échange. Les accords commerciaux signés par le Canada, dont le PTPGP n’est en rien différent, sont au contraire la cause d’importants reculs sur le plan social.

Cet accord est arrivé si subitement dans l’actualité, qu’il a pris les commentateurs par surprise et a soulevé très peu de réactions. Le gouvernement Trudeau — et ceux des autres pays partenaires — ont largement profité du climat de crainte provoqué par le protectionnisme de Trump pour faire passer un accord vu comme un nécessaire bienfait, sans qu’on prenne la peine de l’examiner ou d’en expliquer les conséquences.

Pourtant, la rapidité avec laquelle il a été signé nous rappelle une évidence : l’accord a très peu changé. Il a pour ainsi toutes les raisons de ranimer les inquiétudes qu’il soulevait auparavant. On ne transforme pas un accord de plus de 5000 pages en claquant du doigt.

Parmi les rares commentaires émis depuis la renaissance de l’accord, celui du chercheur Scott Sinclair me paraît le plus éclairant. Sinclair vient entre autres démentir ce que le Canada a annoncé comme sa plus importante victoire : une protection forte et assurée du secteur de la culture. Mais en fait, cette protection se formule dans une lettre d’accompagnement dont la valeur juridique est discutable. Le texte de l’accord quant à lui reste le plus faible de tous ceux signés par le Canada pour assurer la protection la diversité culturelle. Il ne fait d’ailleurs aucune mention de la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO.

Le changement le plus positif demeure l’élimination des mesures de protection de la propriété intellectuelle. Celles-ci auraient permis de prolonger l’exclusivité des brevets et les droits d’auteurs jusqu’à 70 ans (après la mort de l’artiste, dans le second cas).

Mais les autres aspects qui inquiétaient les opposants au PTP se trouvent inchangés. Certes, l’absence des États-Unis pourrait en rassurer quelques uns, puisqu’il s’agit du principal partenaire commercial du Canada. Par exemple, l’importation beaucoup plus importante des produits agricoles étatsuniens, à cause de l’affaiblissement de la gestion l’offre, aurait pu causer des torts immenses à notre agriculture. Mais Trump n’a pas exclus un retour des États-Unis. Et la conclusion surprise de cet accord peut aussi être vue comme un coup de force pour hausser la pression sur lui et le ramener au bercail.

Il est ainsi toujours décevant que notre gouvernement continue à se lancer tête baissée dans des accords de plus en plus désavoués par les populations — ce qu’on peut observer par les résultats électoraux dans plusieurs pays. Plutôt que de se préoccuper de besoins réels, comme l’amélioration des services publics, la protection de l’environnement, la réduction des inégalités, la justice fiscale, les libéraux défendent des mesures dépassées qui nous mènent dans le sens contraire. Ce qui est décidément mauvais pour la classe moyenne.

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