
« Une population totale de la planète plus réduite est le seul moyen de garantir le bonheur et le bien-être de la grande majorité des gens. […] Si nous souhaitons préserver le système libéral […] il n’y a aucune solution alternative. »
Une équipe pluridisciplinaire, comprenant entre autres un économiste, un anthropologue, un biologiste et un démographe, sont chargés d’identifier des solutions aux problèmes qui menacent la pérennité du système capitaliste. Telle est la prémisse, fictive, du rapport qui, comme son nom l’indique, a été rédigé au cœur d’une petite ville suisse reculée et prospère : Lugano.
La première partie de l’ouvrage s’attarde aux problèmes de dégradation de l’environnement et de surpopulation auxquels font face les économies libérales. Différentes solutions généralement avancées pour régler ces problèmes majeurs sont aussi identifiées : taxation des transactions financières (taxe « Tobin »), réglementations internationales, etc. Aucune de celles-ci ne pourra cependant être appliquée sans un profond bouleversement du rapport de force entre les pays développés et sous-développés, avertissent les auteurs, ce que ne souhaitent pas les mandataires du rapport.
Il faudra donc envisager d’autres solutions, ce sur quoi s’attarde la deuxième partie du rapport. C’est à un véritable programme malthusien auquel nous sommes conviés à réfléchir, comprenant des « stratégies de réduction de la population », qui visent à la fois à faire baisser les taux de naissance (stratégies préventives) et à faire augmenter les taux de décès (stratégies curatives).
Ces stratégies s’abattront principalement sur les personnes considérées improductives, inaptes et incompétentes, autrement dit, superflues. Toute une armada de mesures devront être prises ou accentuées : élimination des petits propriétaires fonciers par le biais d’une libéralisation accrue du commerce, favoriser le tabagisme dans le tiers monde, décourager l’emploi de médicaments génériques, stérilisation des pauvres, exacerbation des conflits ethniques, etc.
Bien que fictif, Le rapport Lugano n’en est pas moins rempli de vérités inquiétantes. En effet, tous les faits rapportés sont véridiques et vérifiables, ce qui en fait un ouvrage extrêmement dense et bien documenté. Pour l’heure, il n’y a pas lieu de voir poindre chez les puissants une véritable volonté concertée de pratiquer cette nouvelle sorte d’eugénisme. Cependant, cet ouvrage nous commande la vigilance, au cas où la tentation d’aboutir à ce « meilleur des mondes » serait trop forte.