Le Canada en guerre : pourquoi et pour qui ?

vendredi 2 mars 2007, par Francis Dupuis-Déri

Dès le lendemain des frappes aériennes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, le New York Times lançait un sondage qui révélerait que 67 % des Américains acceptaient qu’une « riposte » militaire entraîne « plusieurs milliers de victimes innocentes ». Leur souhait a rapidement été comblé, puisque près de 4000 civils afghans ont péri au cours des deux premiers mois de l’invasion de leur pays à l’automne 2001. Un nombre de victimes déjà plus élevé que celui du 11-Septembre. Presque six ans plus tard, leur soif de sang est-elle étanchée, alors que les morts se comptent par dizaines de milliers en Irak et que 4000 civils de plus sont morts en Afghanistan, uniquement en 2006 ?

En clair, l’armée canadienne participe à une vaste boucherie. Dans quel but ? La démocratie que l’on prétendait instaurer en Afghanistan ? Les élections ont donné le pouvoir à des chefs de guerre souvent associés au trafic de la drogue ou à des crimes de guerre. Or, « nos » soldats protègent ces brutes sanguinaires. Les femmes, qu’on disait vouloir y libérer ? Elles vivent encore aujourd’hui sous la loi de la charia (sur la situation des femmes, voir le site de féministes afghanes : www.rawa.org). Sous le règne du souriant président Karzaï, la burqa reste de mise et aucune femme ou presque ne travaille hors de chez elle. Plusieurs croupissent dans des prisons pour avoir simplement quitté le domicile conjugal. Quant aux coupables d’adultère, elles sont encore passibles de lapidation, mais « avec des pierres plus petites », selon un juge afghan. Or, le Canada participe à la formation des policiers afghans qui arrêtent ces femmes, et subventionne ce système judiciaire qui les condamne à la prison ou à la mort.
Et les écoles que l’on construit ? C’est sympathique, mais les milliards de dollars gaspillés en canons et en bombes pour ouvrir la voie aux chantiers scolaires pourraient être utilisés pour construire des milliers d’écoles dans plusieurs pays pauvres qui en ont bien besoin.
Au Québec, ces détails semblent importer peu dans les médias, qui en ont surtout pour « nos » soldats de Valcartier qui partiront au mois d’août en Afghanistan, tuer et se faire tuer pour défendre ce régime despotique, justifier ce gaspillage de milliards de dollars et faire plaisir à nos voisins du Sud. Heureusement, le mouvement contre la guerre continue de se mobiliser. Plusieurs appels à manifester dans les rues le 17 mars ont été lancés pour souligner avec tristesse et colère l’anniversaire du début de l’invasion de l’Irak. À Montréal, la coalition Échec à la guerre (www.echecalaguerre.org) et Bloquez l’empire (http://blocktheempire.blogspot.com/) se mobilisent. Il faut en profiter, car lorsque « le Québec sera en guerre », pour reprendre l’expression d’un officier de Valcartier, le mouvement antiguerre risque fort de se voir accuser de manquer de patriotisme et de ne pas soutenir « nos » valeureux soldats et leurs familles.
Malgré ce risque, des militantes et militants ont lancé l’idée d’une mobilisation dans la région de Québec pour dénoncer cet été le départ des troupes de Valcartier (info : http://coalition-valcartier-2007.resist.ca/). Le défi est de taille, puisque cette région est la seule de la province où plus de 50 % du public approuve la participation de soldats canadiens à cette boucherie. Il y a toutefois l’espoir que cette mobilisation aidera à dévoiler la vraie nature de cette « intervention militaire » et que des quatre coins du Québec des gens convergeront vers Québec pour participer aux manifestations et faire cesser cette danse macabre.

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