Billet

La voix du prêcheur dans le désert

dimanche 30 juin 2002, par Stanley PÉAN

Sondages obligent, on a beaucoup ergoté sur le désolant vide idéologique qui a permis à l’Action démocratique du Québec de se donner des airs d’alternative valable aux « vieux » partis sclérosés. Au lendemain de la dérouillée qu’a infligée la formation de Mario Dumont à ses adversaires le 17 juin dernier, on ne manquera pas de multiplier les pronostics sur l’éventualité d’une victoire de l’ADQ au prochain scrutin général et les conséquences de celle-ci. Le début d’un temps nouveau en politique québécoise ? Dans le brouhaha ambiant, méfions-nous des chimères.

Aussi séduisant que puisse sembler le discours de Mario Dumont à M. et Mme Toulemonde, à juste titre dégoûtés des politicailleries d’un PQ en deuil de vocation et d’un PLQ en deuil de leadership, il n’en demeure pas moins que l’ADQ surfe sur le néant. Quelques idées réactionnaires glanées à gauche et à droite (surtout à droite, en fait) ne constitueront jamais un programme digne du nom. Pour flatter l’électeur dans le sens du poil, le chef de l’ADQ aime multiplier les promesses suintantes de démagogie : faire subir à la machine étatique une cure d’amaigrissement, en finir avec la permanence dans la fonction publique, abolir les conseils consultatifs coûteux et partisans, revitaliser le système de santé quitte à instaurer une pratique à deux vitesses, etc.

Après froide analyse, on constate que le fond du discours est l’écho fidèle des politiques de Bush, Chirac et autres ténors de la droite triomphante qui imposent l’Internationale néolibérale partout sur la planète avec l’évidence d’une parole d’Évangile. En cela, Dumont ne diffère pas tant d’un Landry qui rêve d’adopter le dollar américain comme devise au Québec ou d’un Charest qui sans doute rêve secrètement de l’annexion pure et simple du Canada aux États-Unis comme moyen de faire échec au mouvement souverainiste. On s’rait-y pas ben, Amaricains ? comme disait Yvon Deschamps en blague.

Les pessimistes ont tort de se soucier indûment de la relative inexpérience politique de la meute de jeunes loups de l’ADQ. Comme l’ont rappelé plusieurs, Dumont n’est guère plus jeune que Robert Bourassa au moment de son premier mandat. Et d’ailleurs, comme en témoignent les résultats des récentes partielles, ses troupes et lui ont très bien assimilé les leçons et stratégies de leur défunt mentor Boubou, à qui la maîtrise du louvoiement, de la vacuité idéologique et de cet art subtil qui consiste à constamment gagner du temps, avait assuré en partie sa prodigieuse longévité politique.
Davantage que la jeunesse de Dumont, c’est cette idée reçue que sa voix jeune saurait conduire le Québec hors du désert de la morosité économique et constitutionnelle, et vers la Terre promise de la prospérité qui m’inquiète. De cette jeunesse-là, non merci.

Stanley Péan, billetiste, J. Alternatives.


L’auteur est également écrivain.

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