Depuis plus de 40 ans, la guerre contre la drogue impulsée par Washington n’a apporté que de maigres résultats. En Colombie ou au Mexique, la consolidation du narcotrafic et l’émergence de nouveaux réseaux prouvent davantage l’échec de cette politique.
Juan Manuel Santos décide alors de faire de ce sujet tabou un thème prioritaire du 6e Sommet des Amériques de Carthagène. Cependant, les États-Unis excluent toute possibilité de débat. La guerre contre la drogue est étroitement liée à la militarisation massive de l’Amérique Latine.
Entretien avec Ricardo Soberón, militant des droits de l’Homme péruvien et spécialiste du narcotrafic régional, au Sommet des Peuples de Carthagène, le 13 avril.
Courriers d’errance : Comment interprétez-vous cette volonté d’ouvrir un débat sur la légalisation des drogues ?
Ricardo Soberón : Depuis 40 ans, toutes les expériences pour contrôler la production et le trafic de drogue ont échoué en Amérique Latine. Les conséquences de ces politiques ont été désastreuses sur nos sociétés.
Qui encourage le débat ?
Les acteurs sociaux l’ont exigé et certains gouvernements ont accepté de l’aborder, comme le Guatemala et la Colombie. Cependant des pays très touchés par le narcotrafic sont totalement muets, le Mexique par exemple.
Quelle est la position des pays consommateurs ?
En Europe, ce n’est pas une priorité. Et aux États-Unis, pays moteur de la lutte antidrogue, la position est très claire : poursuivre les mêmes politiques et exclure toute discussion.
Comment l’expliquez-vous ?
Les États-Unis ont des intérêts économiques majeurs en Amérique Latine : extraction minière et mono-agriculture. Afin de les protéger, ils ont massivement militarisé le continent. Et pour justifier ce phénomène de militarisation, ils ont fabriqué la guerre contre la drogue. Une manière de déguiser une politique néocolonialiste.
Le président Obama rejettera donc la proposition de Santos ?
Oui, sûrement.
La prohibition semble donc être la seule réponse pour la majeure partie des pays. Selon vous Ricardo, quelle pourrait être la solution ?
La solution, comme le problème, est nationale et non pas globale. À chaque pays de choisir. Pendant la prohibition aux États-Unis, le Canada autorisait et taxait la contrebande d’alcool sur son sol qui transitait vers le pays voisin. Le problème était interne aux États-Unis, comme aujourd’hui. Nous pourrions faire la même chose avec la drogue. Il n’y aurait plus de cartels, les prix augmenteraient et la demande baisserait. Mais les intérêts vont au-delà de la guerre contre la drogue.
*Pour écouter l’entrevue au complet, rendez-vous ici ! (entrevue en espagnol seulement)