La « Vivencia » : une semaine pour l’artisanat local

mercredi 1er juin 2011, par Charlotte Marchesseault

Du 9 au 16 mai dernier, l’agence de développement Sebrae était de retour à Jericoacora au Brésil pour la deuxième édition de la « Vivencia ». Des designers, des professeurs, des photographes et des gens du gouvernement étaient tous réunis pour la création d’une nouvelle collection de vêtements, bijoux et accessoires.

C’est avec émotion que s’est déroulée cette brillante initiative de la « Vivencia ». De sept heures à dix-sept heures, durant huit jours, les organisateurs ont travaillé d’arrache-pied pour mener à terme cette semaine intensive de cours et d’ateliers destinés aux artisanes de Jericoacora. Située dans une petite pièce de l’hôtel Capitaz Tomas, l’initiative a également permis un rapprochement entre les artisanes locales et les différents acteurs du projet.


L’artisanat au centre de l’économie de Jericoacora

Ancien village de pêcheur au nord du Brésil, Jericoacora est devenu un endroit très touristique depuis une vingtaine d’années. Des gens de partout dans le monde y affluent, particulièrement durant la période de juillet à janvier, pour profiter de la tranquillité des lieux, de la beauté du paysage et pour y pratiquer des sports aquatiques. Les « pousada » (petit hôtel en portugais), les restaurants et la vente de produits artisanaux font désormais rouler l’économie de la région.
L’artisanat est une activité dominée par la gent féminine à Jericoacora. Les artisanes se regroupent sur la plage pour essayer d’attirer l’attention des touristes. Elles sont fières de leur art, et elles ont raison : leurs produits sont d’une beauté inouïe. La technique du crochet est l’une des plus utilisées par ces dernières : leurs mains vont à une vitesse impressionnante pour créer des chapeaux, des robes, des chandails, etc. Le crochet est imprégné dans la culture locale. De génération en génération, les femmes se transmettent cet art.


Le « Mundojeri » : vingt femmes, vingt artisanes.

En 2005, suite à la suggestion de quelques touristes, une vingtaine d’artisanes ont décidé de se regrouper afin de créer une coopérative. C’est ainsi qu’est née MundoJeri, une association de femmes que l’on surnomme les « crocheitera ». Elles se sont dit qu’en étant plusieurs, elles arriveraient certainement à améliorer leurs conditions de travail et surtout, à lutter contre la négociation de prix sévère des touristes. « Cette pièce m’a pris huit jours à faire, je la vends 55 reals (environ 35 dollars canadiens). Si je baisse mon prix, ce ne sera pas rentable. », souligne Raimunda, une artisane d’une quarantaine d’années.

MundoJeri, c’est aussi vingt femmes qui travaillent chaque jour pour améliorer leur qualité de vie, et celle de leur famille. Depuis trois ans, elles tentent d’accroître leur visibilité en participant à plusieurs évènements et foires commerciales. Il y a quelque temps, la mairesse de Jericoacora leur a offert un local où elles peuvent maintenant exposer leurs produits tous les jours. Elles ont envie de faire connaître leur art, mais surtout, de pouvoir vivre dignement de celui-ci. Certes, la création de la coopérative a permis de faire mousser leurs profits, mais leur a aussi donné une valorisation personnelle qui elle, n’a pas de prix. « Ensemble nous sommes beaucoup plus fortes. Cela nous permet de participer à plusieurs évènements, d’avoir un local pour vendre notre art et donc, d’avoir de la visibilité. », raconte Elivanda, une des pionnières du groupe.

Diana, la présidente de MundoJeri, a perdu son mari à la suite d’un suicide l’an dernier. Cette dernière raconte avec émotion que son travail l’a sauvée de sombrer dans une tristesse insurmontable. « Si je suis encore ici et que je reste positive, c’est grâce à mon travail. » Elle a à peine trente ans et trois jeunes enfants à faire vivre. MundoJeri lui donne la force de se lever chaque matin et d’entrevoir un futur meilleur.

Une seconde « Vivencia » réussie

Bien que l’idée de Mundojeri était intéressante, les femmes n’avaient jusqu’à tout récemment pas les instruments nécessaires pour bien s’organiser. C’est pour pallier à ce manque qu’est intervenue l’organisation brésilienne Sebrae. Cette organisation coordonne différents projets dans plusieurs communautés de la région nord du Brésil, une des plus pauvres du pays. Elle se donne comme mission d’aider les natifs et petits entrepreneurs à vivre de leur art en respectant la culture et les traditions de chaque lieu.

Il y a trois ans, le Sebrea a décidé de concevoir un projet pour favoriser le développement des régions isolées du Brésil telles que Jericoacora. C’est ainsi qu’ils ont mis en place en 2008 la première « Vivencia » : une semaine intensive d’ateliers sur la vente et la production pour les artisanes.

Cet événement a permis non seulement de fomenter une complicité et une solidarité entre les femmes, mais aussi de leur donner des outils pour améliorer la commercialisation de leurs produits. La satisfaction du travail accompli était au rendez-vous à la fin de cette seconde édition de la « Vivencia » : des produits de dernière mode mélangeant la tradition du crochet avec les tendances actuelles présentées dans un catalogue disponible pour la distribution. Tomaz Machado do Carmo, responsable du projet, a présenté fièrement les résultats d’une semaine de dur labeur, soulignant le travail exceptionnel des femmes artisanes : « La Vivencia permet un partage des connaissances ; nous sortons tous grandis de cette merveilleuse expérience ! »

Malgré les avancements des dernières années, l’incertitude fait encore partie intégrante de la vie des artisanes de Mundojeri. Elles ont certes amélioré leur sort grâce à la coopérative et à la « Vivencia », mais leurs ventes sont ponctuelles et varient selon les saisons. Elles doivent donc continuer à se lever aux aurores chaque matin pour vendre leurs produits sur la plage. La chaleur est accablante et leurs sacs sont lourds. Elles gardent toutefois la tête haute. Elles ont espoir que le commerce de leur art prenne de l’ampleur et qu’un jour, elles pourront rester chez elles à papoter avec les voisines tout en faisant ce qu’elles aiment le plus, le crochet.

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