Se basant sur les recommandations du rapport Cousineau, Québec interdira l’épandage de pesticides dans tous les espaces publics, parapublics et municipaux, à compter du 1er septembre. Une initiative du gouvernement québécois, que plusieurs groupes environnementaux jugent courageuse : « C’est une décision importante qui devrait permettre de nettoyer les milieux urbains et de reprendre le contrôle sur ces substances reconnues toxiques pour l’être humain. Je crois que le ministre Boisclair démontre qu’il est sérieux et, en ce sens, il mérite un soutien important », affirme l’environnementaliste Roger Laroche, consultant chez Laro Environnement, un centre de ressources en environnement.
Selon lui, il n’y a plus aucune raison valable d’utiliser la majorité de ces produits en milieu urbain : « C’est le reflet d’une très mauvaise conception de ce que devraient être les espaces verts en ville. L’obsession du terrain de golf chez- soi nous pousse à utiliser ces substances de façon abusive et incontrôlée », déplore-t-il.
Douche froide
Chez les fabricants, la nouvelle a eu l’effet d’une douche froide. Mais Québec n’entend pas céder aux pressions. « Certaines industries seront affectées, mais nous sommes dans notre droit. C’est l’intérêt public et la santé des gens qui sont en cause. Et c’est la responsabilité des entreprises d’offrir des produits qui ne menacent pas la santé humaine », avait déclaré le ministre de l’Environnement en juillet dernier. Alors pourquoi exempter le secteur agricole, qui utilise pourtant 80 % des pesticides chimiques ? Ce à quoi, le ministre répond : « Ce qui nous préoccupe, c’est l’exposition humaine et c’est en milieu urbain que ça arrive. »
Roger Laroche est du même avis, car la majorité des personnes à risque, c’est-à-dire les personnes âgées et les enfants, est concentrée en milieu urbain. Selon lui, ce nouveau règlement est un premier pas vers une réduction de toutes ces substances toxiques : « La mise en place de la gestion intégrée demande du temps et de l’argent. Et puis, à cause des tendances à la monoculture, les pesticides sont encore utiles dans le secteur agricole, bien que plusieurs soient actuellement interdits. » De fait, les DDT et les insecticides mercuriels sont bannis de l’utilisation agricole.
Brandissant le spectre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), certains groupes menacent alors de recourir aux tribunaux, en vertu du chapitre 11 qui permet de poursuivre un État adoptant une loi allant à l’encontre de leurs intérêts économiques. Impossible, affirme Roger Laroche : « Il s’agit d’une décision reliée à la protection de la santé et non d’une décision commerciale. Il existe des précédents avec l’industrie chimique, habituée à ce genre de situation : BPC, CFC, MIREX. Et si c’était possible, l’industrie du tabac aurait intenté des poursuites depuis longtemps ! »
Municipalités à l’avant-garde
Au Québec, une trentaine de municipalités n’ont pas attendu l’initiative du gouvernement provincial pour réglementer. « Depuis 10 ans déjà, la municipalité de Chelsea, par souci de protéger la santé des résidants et plus particulièrement celle des enfants, entretient ses parcs et ses terrains de jeux selon des procédés entièrement écologiques », explique Isabelle Ladouceur, coordonnatrice du développement durable à la ville de Chelsea, une petite municipalité rurale sise en bordure de la rivière Gatineau.
« À l’automne 1998, un groupe de résidants, préoccupés par les effets des pesticides, ont demandé à la municipalité d’adopter une réglementation interdisant l’usage des pesticides à des fins esthétiques. En décembre, le conseil municipal procédait à l’adoption du règlement régissant l’usage des pesticides sur son territoire. Celui-ci est l’une des réglementations les plus strictes au Québec », raconte la coordonnatrice.
En plus d’élaborer, de coordonner et de promouvoir des programmes environnementaux qui répondront aux besoins et attentes de ses citoyens, la ville s’efforce de sensibiliser la population aux « pratiques vertes » : entretien écologique des pelouses, compostage, recyclage et protection des terres humides.
« Le nouveau Code est un grand pas dans la bonne direction. Une gestion des pesticides à l’échelle provinciale vient renforcer notre réglementation et uniformiser les approches écologiques. Si une réglementation fonctionne à l’échelle municipale, pourquoi ne fonctionnerait-elle pas à l’échelle provinciale ? » fait remarquer Isabelle Ladouceur.
En 1991, la municipalité d’Hudson avait prêché par l’exemple en adoptant une sévère réglementation antipesticide. En 2001, la Cour suprême du Canada lui donnait raison en déboutant les fabricants de pesticides Spreystech et Chemlaw, qui contestaient le règlement : « La protection de l’environnement est une valeur fondamentale au sein de la société canadienne, qui exige des actions à tous les niveaux de gouvernement », avait alors déclaré le tribunal.