
Ironie, sarcasme et autodérision, n’en jetez plus, la cour est pleine. Et quelques notions géopolitiques avec ça ? Âme tourmentée à l’écriture élégante,Aleksandar, est bien fils des Balkans. Les critiques le comparent aux plus grands écrivains de l’Europe Centrale, aux Nabokov, Kundera et Kafka, ce dont se défend avec modestie l’auteur, traduit en plus de 20 langues.
Né à Sarajevo en 1964, Aleksandar Hemon s’expatrie à Chicago en 1992 et depuis, écrit
en anglais. Il maîtrise sa nouvelle langue avec une telle virtuosité qu’on lui attribue
d’ores et déjà un prochain Pulitzer. Il transpose en anglais américain les subtilités de
la Sevdah, cette « sensation de douleur de l’âme plutôt agréable, quand on se résout tranquillement à une vie déplorable ». Millénaire sagesse bosniaque.
L’auteur manie avec une précision chirurgicale l’art de la description, qu’il parle de guerre ou
d’amour, de Sarajevo ou de Chicago, ou encore de Kiev. Ses personnages sont aussi désorientés
que la plupart d’entre nous : « Pronek Père vit des unités de l’armée creuser des tranchées dans les montagnes autour de Sarajevo, mais il crut que c’était pour protéger la ville. » Le Serbe
Brdjanin quant à lui nie sans complexe les massacres ex-yougoslaves : « C’est de la propagande
musulmane », conclut-il simplement. Et de son côté, « la grande, fine et élégante Sabrina, lors
de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Sarajevo » en 1984, perdra ses deux jambes dans un bombardement, pendant le siège de la ville.
L’alter ego de Hemon, le pragmatique Jozef Pronek, nous avait charmé dans De l’esprit chez les abrutis. Il revient ici en force, avouant n’être ni Serbe ni Croate ni Musulman mais « de Sarajevo et compliqué ».