La commercialisation de la ressource la plus précieuse de la planète, l’eau, a un avenir prometteur, si l’on en croit l’ouvrage de Maude Barlow et Tony Clarke. Acheminée par navire-citerne, aqueduc, canal ou détournement de cours d’eau, voire par sacs scellés, l’eau n’échappera pas à l’ubiquiste logique marchande.
Loin d’être à l’abri, le Canada, quatrième pays le plus pourvu en ressources hydriques, devra composer avec un voisin méridional dont la soif semble insatiable. Le président Bush n’a-t-il pas déclaré, en juillet 2001, que l’eau du Canada devait être partagée avec les États-Unis ? À ce sujet, les auteurs nous apprennent l’existence du projet Grand Canal, visant à détourner l’eau des rivières qui se jettent dans la baie James, par l’entremise d’un réseau d’aqueduc.
La rareté de la ressource, causée par sa surexploitation, en amène plusieurs à chercher des solutions du côté de sa privatisation pure et simple. Le marché, nous disent ses défenseurs, serait le plus apte à assurer la pérennité des ressources hydriques, de même que sa répartition juste. Cependant, nous démontrent les auteurs, la réalité est tout autre. Des millions d’Argentins, de Sud-Africains et de Boliviens ont vu leur facture grimper à un niveau tel qu’il leur est impossible de payer.
Pendant ce temps, les profits des « barons de l’eau », telles les multinationales françaises Suez et Vivendi, ont grimpé à des niveaux faramineux. On estime en effet le commerce mondial de l’eau à 800 milliards de dollars américains.
Devant cet assaut contre le « bien commun », la résistance s’organise, et ce, partout à travers le monde. Un chapitre entier de l’ouvrage est consacré aux luttes que mènent maints groupes communautaires, organisations non gouvernementales et activistes contre la privatisation, l’exportation de l’eau et, écrivent les auteurs, contre « ce que des militants indiens appellent la "Trinité impie" : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce ».
L’Or bleu est un livre engagé, et parfois même enragé, sur l’urgence d’agir vigoureusement et de façon concertée en vue de protéger un bien commun en voie de se transformer en bien privé.