Karim Benzaid est arrivé à Montréal en 1998. De son Algérie natale, il a voulu partir comme beaucoup de jeunes de sa génération, parce que la situation politique est instable et qu’économiquement, il n’y a pas grand avenir. Pourquoi le Québec ? Parce qu’on y parle français et que la France, ce n’est plus possible pour les Maghrébins. « C’est une des rares terres d’accueil qui existent encore », ponctue le jeune chanteur, parlant du Canada. Cinq ans plus tard, Karim ne regrette aucunement son choix, ni d’être parti ni d’être ici, même par 25º sous zéro, en plein mois de janvier, alors qu’à tous, l’hiver nous paraît encore bien long. « Je n’ai qu’à venir ici et je me sens sous le soleil », claironne le jeune homme tout sourire. Et d’un bras circulaire il montre l’amoncellement d’objets orientaux de tout acabit qui nous entourent. Nous sommes dans la boutique d’un copain, ancien membre du groupe, sur l’avenue du Mont-Royal. « C’est la caverne d’Ali Baba, ici ! », s’exclame notre chanteur.
Parcours d’un voyageur
Dès son arrivé à Montréal, Karim dit avoir été agréablement surpris par la facilité d’y faire de la musique. « Chez moi, en Algérie, on ne peut pas ouvrir le journal le matin pour trouver un studio à louer, pas cher, et qui produit un bon son. » Puis, de soirée en soirée, d’un jam session à un autre, et de bar en bar, Karim et ses musiciens se rencontrent. Des groupes se forment et se déforment avant d’en arriver à Syncop tel qu’il existe maintenant, depuis près de deux ans.
Le groupe s’appelle Syncop « parce que ça reflète bien ce qui se passe dans le monde, et que c’est aussi une rythmique particulière en musique », explique le chanteur. Puis arrive le concours des Francouvertes. Syncop participe à la finale et sort grand gagnant de l’édition 2003. L’année auparavant, ils avaient présenté leur dossier, mais n’avaient même pas été retenus pour participer au concours. Comme quoi…
Avoir gagné les Francouvertes « a augmenté de façon extraordinaire notre visibilité, mais sur le plan argent, on n’est toujours pas plus riche », tient à préciser Karim. Mais cela viendra peut-être aussi. Avec maintenant l’enregistrement d’un premier CD et une plus grande couverture médiatique, il y a de plus en plus de spectacles, d’invitations à participer à des festivals, etc. En attendant, chacun des membres du groupe continue de faire toutes sortes de boulots pour joindre les deux bouts. De son côté, Karim participe à l’enregistrement sonore de quelques films. Mais le reste du temps, il essaie de se consacrer complètement à Syncop.
Engagés
C’est lui qui a signé tous les textes du premier album, Les gens du voyage. Chanteur et groupe à textes certainement, mais de là à se qualifier de militant… Karim préfère dire « nous soutenons le militantisme ». N’empêche, il poursuit : « Je parle surtout de mes préoccupations. Lorsque je regarde la télévision, qu’il est question de la Palestine, d’un tremblement de terre qui en Iran fait 30 000 victimes, je me demande pourquoi on en parle moins que de la mort d’une personnalité. » De fait, dans les chansons du premier mini CD du groupe, il est bien question des différences nord-sud, de l’immigration, de la pauvreté, de tous les déséquilibres de ce monde. « Ce qui est grave, c’est l’indifférence », soupire le musicien.
Syncop a participé le 9 janvier à la soirée de financement, au Kola Note à Montréal, du Comité québécois en partance pour le Forum social mondial (FSM) qui a eu lieu à Mumbai en Inde, du 16 au 21 janvier. Pour Karim, « cela a été une belle surprise » que de prendre connaissance de ce mouvement international, de gens de tous les horizons qui allient leurs énergies et leurs idées pour changer le monde.
Amateurs de raï, de musiques orientale et urbaine, vous aimerez sans aucun doute Syncop. « C’est une musique très très festive, mais qui permet de faire la fête intelligemment », nous dit le leader de ce nouveau groupe tout juste arrivé sur la scène culturelle québécoise. Une musique qui permet de danser tout en faisant réfléchir.
France-Isabelle Langlois