Engagée et dans le vent

vendredi 28 mai 2004, par France-Isabelle LANGLOIS

Elle est de toutes les causes. Les causes justes, s’entend. La Marche mondiale des femmes, le mouvement contre la guerre et pour la paix... Elle sera parmi nous le 12 juin au Spectrum de Montréal, pour célébrer « 10 ans d’alternatives », parce que l’information, c’est ce qu’il y a de plus important en ce moment, nous dit l’une des plus grandes chanteuses de jazz au Canada, Karen Young.

Elle a choisi l’envers du star-système parce que « pour s’engager, il ne faut rien avoir à perdre ». Retirée dans sa maison d’Hudson, entourée d’arbres, Karen Young mène sa vie d’auteure compositrice paisiblement. Elle fait la musique qu’elle aime, du jazz surtout, souvent avec des influences de musique du monde, de classique, de musique traditionnelle, médiévale ou renaissance, en s’entourant de musiciens, collaborateurs et amis qu’elle apprécie beaucoup et qui le lui rendent bien. On la voit régulièrement, d’année en année, dans de petites, moyennes et plus grandes salles, toujours pleines. Finalement, tourner le dos au star-système, ce n’est pas si mal, ça peut même être gagnant.

« Je suis une pacifiste. C’est tout ce que je connais », nous dit d’entrée de jeu et d’une voix douce et calme la chanteuse engagée, dans un café de la rue Sainte-Catherine toujours aussi bruyante et grouillante. Un environnement qui choque et détonne à côté de la fragilité qu’elle dégage.

Élever la voix

Pour Karen Young, il n’y a pas 36 façons de changer le monde. Il faut que tout le monde élève la voix ensemble pour dire non, dire son désaccord et son mécontentement. C’est la seule façon pour arriver à faire renverser la vapeur. « Au moment de la guerre du Vietnam, la majorité silencieuse c’était les Red Necks, la droite chrétienne. Aujourd’hui c’est le contraire... », soupire-t-elle pensivement, le regard bleu perçant.

Au rappel des manifestations monstres au cours de l’hiver de l’année dernière contre la guerre en Irak et pour la paix, Karen admet que c’était quand même bien, c’était beaucoup de monde, rassemblé solidairement pour dire non à Bush et mettre en garde le gouvernement canadien quant à ses envies de suivre le « grand frère » dans son aventure belliqueuse. Mais de toute évidence ce n’était pas assez, pas pour la chanteuse en tout cas : « Une fois que les bombes sont tombées, il y avait beaucoup moins de monde. » Déprimés, sans doute déçus, plusieurs sont demeurés enfermés chez eux, suppose-t-elle, déplorant au passage le peu d’engagement de la part des artistes.

« Des fois, j’aimerais juste aller marcher en tant que simple citoyenne. » Mais puisqu’il n’y a pas beaucoup d’artistes qui acceptent d’endosser et de prêter leur voix à une cause... la chanteuse ne peut pas dire non. C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée, entre autres, à écrire et composer la chanson thème de la Marche mondiale des femmes, en 2000.

Contre l’ignorance

Tout de même, Karen Young n’est pas complètement seule. Il y en a quelques autres, mais « souvent, les artistes au Québec choisissent une cause spécifique, souvent l’environnement. Moi je suis plus préoccupée par la situation mondiale, et la menace de l’empire. » Et puis, rappelle celle qui adore la nature, les conséquences sur l’environnement et la santé, de toutes ces bombes qu’on laisse tomber, seront désastreuses. Elle dit ne pas comprendre comment on peut en arriver à de telles actions, et ne comprend pas davantage l’apathie de la population, son ignorance en particulier.

Les gens sont très divisés explique tristement Karen Young, pour qui la faute incombe à la fois à l’envahissement de l’« économique » mais aussi à l’ignorance, qui de nos jours ne peut plus être totalement innocente. À la fois, bien sûr, parce que les médias sont souvent complices du pouvoir économique, n’informant pas ou désinformant, mais aussi parce que malgré tout l’information est là et disponible, via la presse alternative ou Internet. « Le premier pas [pour faire changer les choses], c’est d’apprendre ce qui se passe dans le monde », martèle la chanteuse, qui dit passer beaucoup de temps à s’informer, entre autres sur Internet. « Je lis beaucoup Z-Net, il y a plusieurs auteurs que j’aime. »

En terminant, Karen Young dit souhaiter que la solidarité finisse par gagner, que l’administration Bush soit complètement écrasée aux prochaines élections, même si elle n’a pas beaucoup d’espoir dans Kerry en raison du système... « Il y a beaucoup de choses qui nous empêchent d’être bien disposés mentalement [right minded] pour agir... », constate un peu amère la chanteuse de jazz. Mais elle, elle ne lâche pas prise, et vous donne rendez-vous le 12 juin au Spectrum de Montréal pour « 10 ans d’alternatives » (voir publicité en page 3).

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