C’est pour répondre en partie à ces problèmes que s’est formé, il y a moins de deux ans, le Regroupement ethnoculturel pour l’action politique (REAP). Son double mandat est de favoriser la participation des électeurs d’origines immigrantes lors des scrutins et de présenter des candidats d’origine ethnoculturelles à travers différents partis. Alors que les immigrants représentent 17 % de la population canadienne, leur représentation est deux fois moins grande aux différents paliers de gouvernement.
Conscient que le regroupement n’aura pas de contrôle sur les faits et gestes des futurs élus, Amir Khadir, porte-parole du REAP, explique que ses membres visent plutôt à ce que le message de ces communautés soit pris en considération au sein de l’appareil politique. « En présentant des candidats d’origine ethnique diverse, nous espérons créer un effet d’entraînement et faire en sorte que les immigrants se reconnaissent dans le paysage politique et participent ainsi davantage à la vie politique d’ici », soutient Amir Khadir.
Favoriser la démocratie participative
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le problème de la sous-représentativité des immigrants dans les instances décisionnelles se retrouve également au sein d’organismes communautaires et des syndicats. C’est pourquoi de nombreux groupes et intervenants sociaux ont fait le choix de favoriser la démocratie participative au sein même de leurs instances, faisant ainsi le pari que cette participation serait porteuse d’une participation citoyenne accrue et pourrait même devenir un outil d’inclusion pour ces populations.
Le Centre des travailleurs immigrants (CTI), un petit organisme fondé il y a quatre ans ayant pour mission l’éducation populaire et la défense des droits au travail en lien avec l’immigration, porte une attention toute particulière à la participation des personnes d’origine immigrante. Alors qu’elles sont souvent les plus touchées par les questions de droit au travail et au logement, Jill Hanley, membre fondatrice du CTI, juge incohérent qu’elles soient trop souvent absentes de
ces luttes : « Pour moi, la démocratie participative signifie que les gens concernés ont une influence sur les décisions, mais aussi qu’ils ont la chance d’apprendre en participant et en faisant des erreurs. »
Les jeunes immigrants sont la base militante la plus importante du centre. Afin de favoriser leur formation et leur pleine participation au sein du CTI, on s’empresse de leur attribuer rapidement des responsabilités et un rôle important comme organisateur, formateur, représentant au conseil d’administration ou porte-parole de l’organisme. « C’est par les responsabilités que l’on développe son leadership », soutient Jill Hanley.
Du côté des syndicats
Plusieurs syndicats ont du mal à rejoindre les travailleurs d’origine immigrante, qui eux, se butent aussi à toutes sortes de barrières : problème de langue, incompréhension des structures et procédures, peur de s’exprimer dans une assemblée. Manon Perron, responsable du comité immigration et relations ethnoculturelles au Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, explique : « La perception du syndicalisme est souvent bien différente chez les immigrants. Dans plusieurs pays, les syndiqués sont victimes d’une violente répression. Il existe donc une crainte de s’afficher en tant que tel. » C’est pour comprendre ce type de barrières et pour prendre les moyens de les surmonter que ce comité a été créé, il y a dix ans. Le groupe a offert des formations spécifiques pour ces travailleurs et instauré un système de parrainage syndical leur offrant un soutien dans l’apprentissage du syndicalisme. Par ailleurs, la CSN a embauché près d’une vingtaine de jeunes issus des communautés culturelles pour une formation rémunérée de moins d’un an visant l’accessibilité à des postes divers au sein de l’organisation. « La participation des personnes d’origine immigrante est essentielle pour faire évoluer les débats au sein de la CSN et reconnaître pleinement leurs préoccupations », conclue Manon Perron.
De son côté, Jill Hanley constate que plusieurs jeunes immigrants, en s’impliquant, s’intéressent davantage à la scène politique et sont ensuite portés à intervenir, par exemple, au sein de groupes communautaires ou en participant à différentes mobilisations. Elle ajoute : « La démocratie participative commence dans nos groupes et c’est notre responsabilité de la favoriser afin de permettre l’apprentissage de l’exercice de la citoyenneté. »
Ève Gauthier, collaboration spéciale