Devant les pipelines, je soutiendrai les Mohawks

dimanche 17 novembre 2013, par Michel LAMBERT

Avec des centaines d’autres personnes, j’ai participé le 16 novembre à une mobilisation sans précédent à Kanehsatà:ke (Oka) en territoire Mohawk. 23 années après la terrible crise du même nom, les Mohawks invitaient cette fois les allochtones à les rejoindre pour lutter contre l’expansion des pipelines de pétrole de sables bitumineux.

Cette invitation exceptionnelle provint aussi de plusieurs autres communautés autochtones alors que plus de 130 actions de mobilisation contre le projet d’expansion des sables bitumineux furent organisées simultanément à l’échelle canadienne sous la bannière « #defendourclimate ». Au total, sans doute des milliers, peut-être des dizaines de milliers de personnes se sont ainsi mobilisées pour, d’une part, se reconnaitre et d’autre part affirmer leur intention de mener cette bataille jusqu’au bout. Alors que nous bloquions symboliquement la route 344 par un « Round Danse », j’ai compris que des milliers de personnes au Canada étaient simultanément en train de prendre une grande bouffée d’espoir pour se relancer dans une lutte à finir.

Le Mordor, c’est chez nous !

La comparaison entre la terre nauséeuse et infernale de Sauron et les sites d’exploitation des sables bitumineux n’est pas nouvelle. Il a déjà été démontré que la production actuelle crée un environnement local toxique, avec des taux de cancer en hausse et d’autres risques pour la santé qui affectent majoritairement les collectivités des Premières Nations qui vivent dans la région.

L’industrie, dont 71 % est contrôlée par des géants pétroliers appartenant à des sociétés étrangères, a poussé le gouvernement de l’Alberta à approuver plus de 100 projets de sables bitumineux couvrant 92 000 kilomètres carrés de forêt boréale nordique, et 100 autres projets couvrant 50 000 kilomètres carrés additionnels qui sont proposés, représentant une superficie totale de la taille de la Floride.

Si elle obtient les moyens d’exporter sa production grâce à de nouveaux pipelines, l’industrie des sables bitumineux prévoit tripler la production à plus d’un million de barils par jour au cours des prochaines années.

Joindre les combats des nations autochtones

Comme tous les québécois qui ont vécu 1990, je sais d’emblée que les Mohawks ne lâcheront pas prise, quoi qu’il en coute. Le lien qui uni les nations autochtones à leurs terres est tel qu’ils n’abonneront jamais. Mais contrairement à alors, les « blancs » devront cette fois faire le choix d’encaisser aussi des coups, jusqu’au bout. À Elsipogtog au Nouveau Brunswick, on assiste depuis quelques semaines à un triste spectacle de colonialisme « à la Tsahal  » ou la corporation extractiviste est soutenue par un État des plus répressifs. Ces images des camions de la SWN « protégées » par la GRC seront un jour dans les cours d’histoire ! Et malgré les injonctions, malgré les emprisonnements, malgré les gaz lacrymogènes et les blessures aux hommes, aux femmes et aux enfants, la communauté Mi’kmak toute entière s’impose et résiste à la machine extractiviste.

truck

Pourtant, cette bataille contre les changements climatiques et pour l’environnement n’est pas que la leur car nous appartenons tous à la même terre. Alors que le Gouvernement du Québec se fait complice de la stratégie canadienne d’expansion de l’exploitation du pétrole extrême des sables bitumineux albertains, nous augmentons conjointement la responsabilité de l’ensemble des citoyens d’ici face aux changements climatiques, partout. Si au lendemain d’un typhon extrême comme celui qui vient de frapper les Philippines, nous avons l’obligation morale de nous interroger sur notre rôle comme société dans la création globale des changements climatiques ; nous devons êtres encore plus interpelés quand chez nous, des communautés, parmi les plus marginalisées décident de s’opposer au développement irresponsable du plus gros projet industriel de la planète (l’exploitation des sables bitumineux) et à la répression gouvernementale qui le soutien.

En bref, quand des communautés choisissent d’aller au front pour éviter des dommages irréversibles à nos écosystèmes, mais surtout, pour éviter au Canada de lancer sa « bombe climatique » dans l’atmosphère, il faut en être !

Une saison d’action

Le 16 novembre, la Journée nationale d’action pour défendre le climat a permis la participation de nombreux groupes environnementaux, communautaires, des syndicats et des communautés autochtones.

Si cette journée fut couronnée d’un succès faramineux avec des dizaines de mobilisation « from Coast to Coast to Coast  », l’heure est déjà à l’organisation d’évènements qui auront encore plus de signification. Le 16 novembre démontre à lui seul que le succès des prochaines actions dépendra totalement de la participation autochtone.

S’ils veulent arrêter l’expansion des sables bitumineux, diminuer notre empreinte collective sur le climat, s’ils veulent mettre au rancard les politiques de Stephen Harper et de ceux qui lui succèderons avec en tête les mêmes politiques, les mouvements écologistes et sociaux doivent maintenant faire le choix de suivre le « leadership » des premières nations dans son combat contre les projets extractivistes..

Devant les pipelines, je soutiendrai les Mohawks. Si les mouvements sociaux le font aussi, nous ne pouvons pas perdre.

À propos de Michel LAMBERT

Co-fondateur en 1994 puis Directeur général d’Alternatives entre 2007 et 2020, Michel Lambert fut Président de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale de 2017 à 2020. Il a travaillé au rapprochement des groupes et organisations de la société civile, d’ici et d’ailleurs pour la promotion des principes de la démocratie, de l’égalité et de l’équité pour tous.

Il a tour à tour développé plusieurs des programmes de solidarité internationale d’Alternatives en plus de lancer et animer de multiples campagnes de justice sociale au Québec et au Canada. Il a dirigé l’antenne d’Alternatives en République démocratique du Congo entre 2002 et 2005 avant de prendre la direction de l’organisation en 2007.

Michel Lambert fut membre du Conseil de Gouvernance d’Alternatives International , du Conseil d’administration d’Alliance syndicats et tiers-monde. Il a aussi été membre des Conseils de l’AQOCI entre 2009 et 2013, de l’Association pour le progrès des communications (APC) entre 2008 et 2011 puis entre 2017 et 2020 et de Food Secure Canada entre 2009 et 2012

Il a représenté Alternatives au Conseil International du Forum social mondial et au sein de diverses coalitions québécoises et canadiennes dont notamment, les coalitions Pas de démocratie sans voix, Voices/voix. le Réseau québécois de l’intégration continentale - RQIC et plus récemment au comité de coordination du Front commun pour la transition énergétique .

Michel Lambert a joué un important rôle de mobilisation et de construction lors du Forum social des peuples tenu à Ottawa en août 2014 .

En 2018, il confondait Cultiver Montréal, le réseau des agricultures montréalaises.

En 2020, il a contribué à la création du FISIQ, le Fonds d’investissement solidaire international du Québec.

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