
C’était une belle matinée. La plage était déjà pleine de monde dès 8 h 00 du matin. Des pêcheurs préparaient leurs bateaux. Des enfants jouaient dans l’eau. De jeunes couples profitaient du soleil et du grand air, main dans la main. Puis soudainement, sans avertissement, sans bruit, sans rien du tout, la mer s’est retirée de la plage, du jamais vu de mémoire tamoule. Puis comme un monstrueux reptile, l’eau est revenue sous la forme d’une vague gigantesque. Maisons, huttes, bateaux, tout a été emporté. Les pêcheurs se sont noyés, pris dans leurs filets. Les gens sur la plage ont été précipités sur les rochers et les maisons, les enfants emportés vers le large. Encore aujourd’hui, les Tamouls sont sous le choc. Les vieux comme les jeunes ont dû apprendre un nouveau mot, tsunami. Matérialistes ou spiritualistes, on se demande, « pourquoi nous ? »
Quelques semaines plus tard, je parcours les débris. Les restants de maisons et surtout, une sorte de cimetière de bateaux de pêche. Les gens cherchent encore ce qu’il leur reste, mais globalement, tout le monde est à l’ouvrage. À quelques kilomètres, au nord des villages les plus affectés à Chennai, capitale du Tamil Nadu, les Organisations non gouvernementales (ONG) indiennes et le gouvernement régional ont mis en place des outils de coordination.
Je rencontre des gens formidables associés au Tamil Nadu Science Forum et à AID India, qui œuvrent sur le terrain depuis longtemps et qui coordonnent le travail d’aide d’urgence et de réhabilitation. Avec eux sont présents des milliers de jeunes provenant de la Fédération des femmes, des mouvements de jeunes et d’étudiants, de toute une pléthore de groupes communautaires. On achemine les vivres et les médicaments, on transporte des matériaux, on reconstruit. Dans le district de Cuddalore, l’un des plus affectés par les tsunamis, je constate que le programme d’aide roule sur des roulettes. Pas de panique, pas de bousculade. Les camps de fortune où les gens trouvent refuge sont bien organisés, propres, approvisionnés correctement. Des briefings quotidiens sont organisés par les ONG et le gouvernement, où l’on distribue tâches et priorités. On visite chaque famille et chaque village pour évaluer les dégâts et les besoins et on se met tout de suite au travail. Pas de grosse machine, pas de grosse bureaucratie, pas de 4X4 ni de systèmes compliqués. Quelques agences internationales aident. Mais elles ne sont pas directement présentes sur le terrain car franchement, leurs dollars sont bien plus efficaces quand ils sont canalisés vers les organisations communautaires locales.
Parallèlement aux besoins immédiats, le plus urgent est de redonner aux gens les moyens de travailler. Dans cette région, cela veut dire des bateaux, des filets, des outils pour redémarrer la pêche qui procure aux habitants de ces régions les moyens de combler leurs besoins, de manière générale. J’ai rencontré des pêcheurs du Tamil Nadu qui ont tenu à me dire qu’ils n’étaient pas des mendiants. Ils ont été insultés lorsqu’une agence internationale est arrivée avec des vêtements usagés ! Je les vois affairés à reconstruire leurs maisons, en dur, à repaver les routes, à redémarrer l’économie régionale. Certes, ils savent qu’ils ont besoin d’aide, parce que les dégâts sont trop énormes pour être assumés seulement par eux-mêmes immédiatement et à court terme. Mais cela se fait sans lamentation ni dépendance. Dans l’État du Tamil Nadu, la solidarité des villages et la solidité du tissu communautaire tiennent le coup. La vie continue, impétueuse, riche, forte.