Combattre la pauvreté au Venezuela

mercredi 23 février 2005, par Siddharth VARADARAJAN

Caracas - Sous la plupart des cieux, le mot mondialisation évoque des images d’hommes d’affaires et de conseillers d’entreprises aux salaires faramineux, proposant aux États des offres qu’ils ne peuvent refuser. Mais à Nuevo Horizonte, ce vaste barrio, ou bidonville, qui s’étend comme des vêtements sales sur une corde à linge dans les hauteurs, au-dessus de la capitale du Venezuela, le mot mondialisation évoque Martha Perez Miranda. Une souriante dentiste cubaine d’une cinquantaine d’années offrant des soins gratuits aux personnes démunies.

Avec trois autres médecins cubains et une petite équipe d’infirmières et de médecins locaux, la docteure Perez fait fonctionner une clinique qui assure une gamme de soins de la santé primaires à une population obligée, avant l’ouverture de la clinique, de faire plusieurs kilomètres pour un simple examen de routine. La petite clinique est d’une propreté impeccable malgré son achalandage tout au long de la journée. Marco, chômeur dans la vingtaine à qui on fait un plombage, n’a aucune envie de parler. Mais une femme plus âgée fait l’éloge de la clinique ouverte depuis six mois : « Les médecins vivent dans le barrio, alors si on a besoin d’aide la nuit, ils sont toujours disponibles. »

Pétrole contre médecins

À l’échelle du Venezuela, plusieurs milliers de médecins cubains participent à cette expérience novatrice qu’on appelle « Barrio Adentro » (dans le barrio). L’expérience vise à offrir des soins de santé gratuits à quelques-unes des collectivités les plus pauvres - et les plus malades - du pays. Les Cubains travaillent pendant deux ans et emploient un matériel fourni, en grande partie, par l’État cubain. En échange, le Venezuela (qui souffre d’une pénurie de médecins prêts à renoncer aux tarifs élevés du secteur privé, mais qui est riche en pétrole) s’assure que l’île socialiste assiégée ne manque pas de ressources énergétiques. Pour plusieurs, cette collaboration, unique en son genre, est un bon exemple de deux pays tirant des avantages réciproques de leurs ressources respectives.

L’opposition

Mais les politiciens opposés au président Hugo Chavez ne l’envisagent pas de cette façon. L’opposition affirme que les programmes sociaux, y compris Barrio Adentro, sont un gaspillage d’argent. Elle critique également la décision du président d’obliger PDVSA, la société pétrolière d’État, de financer directement une partie de ces programmes. Certains adversaires de Chavez estiment même que la participation des médecins cubains fait partie d’un sinistre complot visant à faire subir aux Vénézuéliens démunis un endoctrinement marxiste.

En avril, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que le Venezuela devait prendre des mesures immédiates pour ramener à des niveaux qu’il jugeait plus prudents les dépenses de l’État. Enfin, il y a quelques jours, Agustin Carstens, directeur général adjoint du FMI, a déclaré les dépenses sociales du gouvernement Chavez « non viables ».

Jusqu’ici, cependant, Chavez n’a apparemment pas l’intention de suivre ces conseils. Selon lui, le FMI et la Banque mondiale font partie d’un projet impérialiste de domination mondiale, et les gens de tous les pays doivent résister à leurs pressions. Du point de vue du président du Venezuela, ces programmes sociaux bien financés n’ont pas seulement pour effet d’améliorer la vie de millions de personnes, ils permettent également d’élargir et de consolider la base politique du « mouvement bolivarien » qu’il dirige.

Développement endogène

Dans un quartier ouvrier de Caracas, on voit lentement prendre forme une autre expérience très particulière du président Chavez : les centres de développement endogènes. Un ensemble abandonné formé d’entrepôts et d’un terminal pétrolier de PDVSA a été transformé en centre communautaire. On y trouve un centre de soins de santé secondaires à la fine pointe de la technologie, ainsi que de grands ateliers où les jeunes en chômage apprennent à confectionner des chaussures et des vêtements. Plusieurs centaines de garçons et de filles font ici un apprentissage quotidien en milieu de travail, gagnant environ 90 dollars US par mois. En comparaison, une femme tenant un petit commerce de fruits et de légumes à Nuevo Horizonte nous a dit gagner 100 dollars par mois, en travaillant 12 heures par jour.

Vivant avec l’omniprésence de la pauvreté et du chômage (on estime que la moitié de la population urbaine du Venezuela travaille dans le secteur « informel »), les pauvres semblent accorder au Commandante un appui solide. Leader charismatique, ou même messianique, dont les nombreux discours durent de deux à trois heures, Chavez sait qu’il ne suffit pas simplement de promettre une vie meilleure. Les autorités du Venezuela affirment que les centres de développement endogènes sont la clé pour améliorer la vie des pauvres, et que l’État prévoit en établir jusqu’à mille au pays. Le Venezuela a une population de 24 millions d’habitants. Tant que le pétrole se vend 40 dollars US le baril, il ne devrait pas être difficile de trouver l’argent pour les programmes sociaux. Mais même si le prix du pétrole diminue, ils sont convaincus que les retombées positives des dépenses sociales mettront le pays sur la voie de la croissance.

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