Apartheid financier

jeudi 30 octobre 2008, par Alexandre Touchette

La déroute financière frappe sans discernement les places boursières, mais tous n’étaient pas égaux aux États-Unis dans le marché du crédit hypothécaire à risque qui est à l’origine de la crise. La National Association for the Advancement of Colored People, qui représente les Noirs étasuniens, a intenté une poursuite en recours collectif contre 17 institutions financières américaines pour dénoncer leurs pratiques discriminatoires.

En théorie, les hypothèques à risques avaient été conçues pour permettre l’accès à la propriété à des gens qui avaient peu d’économies ou encore une mauvaise cote de crédit. Dans les faits, il y a eu beaucoup d’abus parce que les courtiers touchaient des primes lorsqu’ils vendaient ces hypothèques qui assuraient un rendement plus élevé aux banques. Même lorsqu’ils avaient un salaire et des antécédents de crédit équivalant à ceux des Blancs, les Noirs avaient 30 % plus de chances de se faire vendre une hypothèque à risque.

À Détroit, une ville où 80 % de la population est noire, 70 % des hypothèques accordées au cours des dernières années entraient dans la catégorie des subprimes. Si beaucoup de gens sont tombés dans le piège du surendettement, d’autres ont été victimes de courtiers peu scrupuleux. Vanessa Flucker, avocate à Détroit, cite le cas d’un couple de retraités qui a perdu sa maison pour l’avoir hypothéquée de nouveau afin de se payer des traitements médicaux : « Le revenu mensuel de ces gens allait être fixe pour le reste de leurs jours, pourtant on leur a accordé un prêt à taux variable sans leur expliquer que les paiements mensuels allaient doubler lorsque les taux d’intérêts seraient progressivement ajustés à la hausse. » L’avocate a vu des hypothèques dont le taux d’intérêt pouvait augmenter de 8 % à 18 % en deux ans.

Les lois du Michigan ne font rien pour faciliter la vie aux familles en difficulté financière : un retard de trois mois sur les paiements de l’hypothèque déclenche le processus de saisie de la maison. À partir de ce moment, le propriétaire a six mois pour rembourser non pas les paiements en retard, mais la totalité du solde de l’hypothèque ! Sandra Hines, une résidente de Détroit, a vécu cette expérience traumatisante : « J’étais au travail quand le shérif est arrivé pour saisir ma maison. Ils ont forcé la porte puis ils ont jeté tous nos meubles et nos souvenirs de famille dans deux conteneurs comme de vulgaires déchets. Nos électroménagers ont été lancés tête première dans le conteneur. C’est vraiment impitoyable ! »

Maigre consolation pour les emprunteurs floués, Countrywide, le plus grand prêteur américain d’hypothèque à risque est forcé de renégocier 400 000 prêts dans une douzaine d’États. L’entreprise était poursuivie par le procureur de l’Illinois pour avoir utilisé des tactiques malhonnêtes pour vendre des hypothèques à taux variable truffées de frais cachés.
Les abus des prêteurs hypothécaires n’ont pas fini de se répercuter sur l’économie des États-Unis. Au rythme actuel, 100 000 familles américaines perdent leur maison chaque mois. Certains analystes estiment que trois millions et demi de maisons auront été saisis avant que la crise ne se résorbe.

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