Affrontements interethniques en RDC

vendredi 30 mai 2003, par Karine GIRARD

La dernière vague de massacres ethniques en République démocratique du Congo (RDC) aurait fait plus de 300 morts au cours des dernières semaines à Bunia, chef lieu de l’Ituri. Ces atrocités sont survenues sous les yeux des observateurs de la Mission de l’ONU au Congo (MONUC), qui ne se sont pas interposés.

Le district de l’Ituri, au nord-est de la RDC, est la scène d’affrontements interethniques depuis 1999. Selon plusieurs observateurs, ce serait le Rwanda et l’Ouganda qui alimenterait le conflit, l’enjeu central étant le contrôle du territoire, lequel regorge de richesses naturelles. Les derniers massacres, perpétrés par les milices ethniques Hema et Lendu après le retrait des troupes ougandaises au début du mois de mai, auraient surtout fait des victimes parmi les civils. Les troupes de la MONUC présentes dans la région ne sont pas intervenues, ce qui relançe le débat autour de l’utilité de la mission.

La mission de l’ONU en RDC a été créée en 1999, après la signature de l’accord de cessez-le-feu de Lusaka, afin d’appuyer les parties signataires. Son premier mandat demeure l’observation du respect de ce cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire congolais. Vient ensuite le DDR, c’est-à-dire la mise en œuvre du désarmement, de la démobilisation et du rapatriement des groupes armés étrangers présents en RDC, sur une base totalement volontaire. La MONUC est aussi chargée de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, de promouvoir les droits humains, la condition de la femme et des enfants, d’apporter son soutien au règlement politique du conflit et, éventuellement, d’assurer la protection des civils.

La directrice de l’information de la MONUC, Patricia Tome, explique qu’en ce moment, les pays membres de l’ONU ont déployé 4 400 hommes en RDC, soit la moitié de ce que le Conseil de sécurité avait autorisé. « Même avec 8 700 hommes, nous n’aurions pas une force d’imposition de la paix. Il y a dans ce pays des milliers de gens armés. » La mort de deux observateurs de l’ONU lors des affrontements à Bunia a amené la communauté internationale à envisager le déploiement d’une force spéciale en RDC. Mme Tome précise que cette force d’interposition serait indépendante de la MONUC et n’interviendrait qu’en Ituri.

Une mission qui ne fait pas l’unanimité

Aujourd’hui, la MONUC fait indéniablement partie du paysage congolais, sans pour autant faire l’unanimité au sein de la population. Les Congolais n’hésitent pas à faire part de leur désillusion devant la piètre performance de cette mission qui coûte près de 600 millions de dollars US par année. La coordonnatrice du centre de développement pour la femme, Dominique Munongo, ne mâche pas ses mots lorsqu’elle parle des troupes de la MONUC : « Très vite on a constaté que c’était des touristes. Ils sont venus se défouler, ils ont enfin vu le Congo, sa musique, ses femmes. On voyait leurs véhicules devant les bars et le nombre de jeunes prostituées augmenter. Ça nous choquait dans nos mœurs. » Elle estime que leur train de vie a entraîné une hausse du coût de la vie et une crise du logement et ajoute : « Ils n’ont pas fait grand chose pour l’intérêt des Congolais ni même pour préserver la paix. Ils se servent, ils observent et ils comptent les cadavres. »

Le directeur général du Centre national d’appui au développement et à la participation populaire, Baudouin Hamuli, tempère un peu ces propos. « La MONUC a bien rempli son rôle d’observation du cessez-le-feu et du retrait des troupes étrangères. La présence de la MONUC a permis le retour des organisations humanitaires. Sa présence est positive, mais elle n’est pas efficace. Il est nécessaire de renforcer son mandat pour la protection des civils et de la transformer en force d’imposition de la paix. » De son côté, Mme Tome estime qu’il serait paradoxal de mettre en place une force d’imposition de la paix alors que le pays entre dans sa période de transition démocratique et que le processus de paix est en cours.

Elle conclut en disant que la communauté internationale se doit d’être consistante. « La MONUC a des limites dans son mandat et dans son déploiement. Si on lui donne les moyens d’imposer la paix, elle le fera. Mais ce sont les États membres de l’ONU qui devront la doter de forces suffisantes. » Pendant que la communauté internationale hésite à s’investir dans la résolution de ce conflit, le dernier rapport de l’International Rescue Commitee évalue à 4,7 millions le nombre de victimes des affrontements en RDC.


Karine Girard, stagiaire du programme Médias alternatifs, présentement en RDC.

www.monuc.org/french/

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